Loi littoral. Un rapport sénatorial préconise d’en arrondir les contours
La loi n°86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (loi Littoral) a été instaurée pour préserver la qualité des paysages et de l’environnement littoral. Aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, l’on s’interroge sur la pertinence de son cadre et la rigidité de son interprétation… en métropole. Car Outremer, ce sont le 50 pas géométriques qui font grincer des dents, mais ça, les parlementaires ne s’y penchent pas.
Applicable aux territoires riverains des océans, mers, étangs salés et plans d’eau naturel ou artificiel de plus de 1000 hectares, la loi littoral est une loi d’aménagement et d’urbanisme qui a pour but :
– la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites, des paysages et du patrimoine culturel et naturel du littoral
– la préservation et le développement des activités économiques liées à la proximité de l’eau
– la mise en œuvre d’un effort de recherche et d’innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral
En outre-mer, aux dispositions de la loi Littoral s’ajoutent d’autres dispositions particulières telles que celles relatives à la zone dite des 50 pas géométriques.
Conçue comme un texte d’équilibre entre développement économique et environnement, la loi Littoral a été adoptée à l’unanimité. Mais son efficacité se heurte depuis à de réelles difficultés de mise en oeuvre liées à l’imprécision de son cadre, et à une jurisprudence plus souvent en faveur du seul aspect environnemental de la loi. Face à ce constat, la commission du développement durable du Sénat a décidé, le 20 février 2013, de confier à deux de ses membres l’élaboration d’un rapport sur les difficultés d’application de la loi Littoral.
Le père de cette Loi est Monsieur Guy Langagne qui fût maire de Boulogne sur Mer puis secrétaire d’État chargé de la mer de 1983 à 1986. A terme de cet exercice ministériel, Guy Langagne retrouvera son fief du Pas de Calais en tant que député puis sa ville de Boulogne sur Mer en tant que Conseiller Municipal puis Maire. Lors d’une réunion où il défendait certains aménagements nécessaires au développement de sa ville, il lâchera cette petite phrase : “Je suis le père de la Loi Littoral, ce n’est pas à moi que l’on va expliquer comment la contourner.”
En préambule de ce rapport (disponible au téléchargement en pièce jointe), est ainsi posé que la loi Littoral “est aujourd’hui l’objet d’un consensus, à la fois sur sa nécessité et sur les difficultés posées par sa mise en œuvre. Si elle a incontestablement et heureusement freiné le “bétonnage” de nos côtes, force est de constater que l’esprit de cette loi est souvent mis à mal. Les collectivités locales ayant une façade littorale rencontrent ainsi des difficultés pour aménager leur territoire. Les élus locaux, qui cherchent à organiser le développement, à la fois pour les populations résidentes et pour mieux accueillir les flux touristiques, sont confrontés à une application abstraite, instable et hétérogène des dispositions de la loi. Ils ont perdu le pouvoir d’impulser une vision sur le bord de mer : au lieu d’être une zone d’aménagement du territoire, le littoral est devenu le terrain d’une confrontation juridictionnelle entre des intérêts divergents. Pour autant, les élus ne souhaitent pas l’abrogation de la loi Littoral, dont le bien-fondé ne saurait être remis en cause.”
Afin de mettre fin à ce qu’il qualifie “d’affrontement stérile entre protection et aménagement”, le rapport sénatorial préconise une série d’adaptations dont la principale est de confier l’interprétation de la loi aux élus locaux à travers des chartes régionales d’aménagement du littoral (CRAL). Si il est apparu aux Sénateurs que la Loi Littoral pouvait dans certains cas représenter une contrainte de développement, il est dommage que ceux-ci n’aient pas intégré le fait qu’Outremer ce sont les 50 pas géométriques qui font l’objet de nombreuses contestations. Pour le bénéfice du rapport et pour l’équité face à la République, ce point méritait d’être traité.
Ci-dessous l’ensemble des recommandations des rapporteurs en vue d’améliorer l’efficacité de la loi Littoral.
Décentraliser l’interprétation et l’application de la loi Littoral
1. Créer un dispositif optionnel de chartes régionales d’aménagement du littoral (CRAL), avec force prescriptive, permettant de confier l’interprétation de la loi Littoral aux élus locaux, sous le contrôle du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML).
2. Rendre obligatoire l’inscription de l’ensemble des dispositions particulières au littoral dans les SCoT littoraux et la délimitation de ces espaces dans les plans locaux d’urbanisme.
Ajuster trois règles d’urbanisme
3. Permettre les opérations de densification par comblement des « dents creuses » des hameaux existants, sans que cela n’ouvre un droit, présent ou futur, à une extension du périmètre de ces hameaux.
4. Durcir le régime des coupures d’urbanisation en précisant qu’elles doivent être de taille significative par rapport à l’urbanisation adjacente.
5. Ajouter un troisième motif d’extension de la bande littorale pour les risques naturels liés aux submersions marines.
Renforcer le volet économique
6. Introduire de la péréquation financière entre les communes littorales en intégrant un indicateur d’artificialisation des sols dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement.
7. Mettre en place un lissage de la rente foncière pour limiter l’impact des choix de zonage sur les prix de terrains adjacents.
8. Élargir la gamme d’intervention du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) en introduisant des servitudes environnementales comme outil alternatif à l’acquisition foncière.
Réaliser un travail d’études et prospectif
9. Recenser les difficultés posées par la loi Littoral dans le cadre de l’appel à projets sur le recul stratégique d’activités.
10. Généraliser l’utilisation des modèles numériques de terrain dans l’élaboration des cartes de submersibilité.
Améliorer les modalités du contrôle administratif
11. Unifier la doctrine administrative dans la nouvelle circulaire en préparation, en veillant à ne laisser aucun vide méthodologique ou interprétatif, et en s’assurant que les doctrines locales d’application sont compatibles avec les orientations nationales.
12. Mettre l’accent sur la formation des agents publics et des élus aux règles de l’urbanisme littoral.
Pièces jointes : Rapport d’information 310114-LoiLittoral.pdf (1,7 MiB, 666 hits) 310114-Synthese.pdf (950,1 KiB, 648 hits)