Chaos à Abidjan, selon l’Onu

F.L
Par F.L 1 Avr 2011 17:24

Chaos à Abidjan, selon l’Onu

Les combats faisaient rage vendredi à Abidjan entre les forces de Ouattara et les soldats fidèles à Gbagbo

Les affrontements les plus sérieux se déroulaient aux abords du siège de la radio-télévision ivoirienne (RTI), qui a repris ses émissions, dans le quartier aisé de Cocody.

“La situation à Abidjan le 1er avril est celle d’un chaos généralisé”, notait l’Onu vendredi.

Des casques bleus de l’Onu ont tué au moins cinq soldats fidèles au président sortant Laurent Gbagbo lors d’un accrochage à Abidjan, révèle un document interne aux Nations unies dont l’agence Reuters a eu connaissance vendredi.

Vendredi, au cinquième jour d’une offensive-éclair, les forces d’Alassane Ouattara,  président reconnu par la communauté internationale après l’élection de novembre, ont pris le contrôle de quasiment tout le pays, à l’exception de bastions de fidèles de Laurent Gbagbo à Abidjan.

Le chef de l’Etat sortant refuse de céder le pouvoir à son rival, reconnu vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre par la quasi-totalité de la communauté internationale.

La force Licorne renforcée
La force française Licorne présente à Abidjan a été renforcée récemment de 150 hommes, ce qui porte son effectif global “à environ 1050-1100 soldats”, selon le ministère de la Défense. Elle patrouille notamment pour protéger les ressortissants français et d’autres étrangers des groupes de pillards.

Quelque 200 ressortissants français et d’autres  nationalités ont rejoint vendredi le camp militaire français de Port-Bouët où  près de 500 personnes avaient déjà trouvé refuge la veille pour échapper aux violences à Abidjan, a-t-on appris auprès de l’état-major des armées à Paris.

Où se trouve Laurent Gbagbo ?
Laurent Gbagbo n’a pas été vu en public depuis le déclenchement de la bataille d’Abidjan, jeudi. Les autorités françaises disent ignorer où il se trouve. Des responsables français ont indiqué vendredi en début de soirée qu’il se trouve toujours à Abidjan, probablement dans sa résidence.

Le porte-parole de son gouvernement a affirmé vendredi soir que Laurent Gbagbo se trouvait bien “à sa résidence avec toute la famille réunie”.

A Paris, un de ses conseillers, Toussaint Alain, a indiqué que Laurent Gbagbo pourrait s’exprimer “demain (samedi) ou après-demain” à la radio et à la télévision dans le sens d’un dialogue.

Un diplomate ivoirien à Paris avait affirmé jeudi soir qu’Alassane Ouattara promettait que “l’intégrité physique” de Laurent Gbagbo serait respectée.

L’UE, l’UA et Paris demandent à Gbagbo de partir
Laurent Gbago doit “se retirer immédiatement”, a déclaré le département d’Etat américain.

Paris a également appelé vendredi Laurent Gbagboà “se retirer immédiatement, à faire cesser les violences et à céder le pouvoir pacifiquement au président (élu Alassane) Ouattara”, selon un communiqué diffusé par l’Elysée.

La déclaration faisait suite à une réunion autour du président Nicolas Sarkozy, avec le Premier ministre François Fillon et les ministres des Affaires étrangères, Alain Juppé, et de la Défense,  Gérard Longuet, pour “faire le point de la situation en Côte d’Ivoire”.

Jean Ping, président de l’Union africaine, a exhorté vendredi dans un communiqué “Laurent Gbagbo à remettre immédiatement le pouvoir au président Alassane Ouattara afin d’écourter les souffrances des Ivoiriens”.

L’Union européenne, quant à elle, n’envisagera pas de lever les sanctions à l’égard de la Côte d’Ivoire, notamment celles visant le port exportateur de cacao de San Pedro, tant que Laurent Gbagbo n’aura pas quitté le pouvoir, ont indiqué vendredi des diplomates européens.

Des diplomates des 27 Etats membres de l’UE se réuniront par ailleurs en début de semaine prochaine pour adopter une liste étendue de personnes et d’entités proches du président ivoirien sortant visés par des gels d’avoirs financiers et des interdictions de voyage, ont précisé ces diplomates.

Paris a par ailleurs déconseillé “formellement” les voyages en Côte d’Ivoire, est-il annoncé vendredi dans la rubrique Conseil aux voyageurs du site internet du Quai d’Orsay.

Un Français a été retrouvé mort, tué par balle, dans la nuit de mercredi à jeudi dans sa chambre d’hôtel à Yamoussoukro, a annoncé le Qui d’Orsay vendredi. Jeudi soir, une Suédoise employée de l’Onu a été tuée à Abidjan, probablement par “une balle perdue” selon la Suède.

Réouverture des frontières aériennes
Le gouvernement du président Alassane Ouattara a décidé vendredi la “réouverture immédiate” des frontières aériennes pour permettre une éventuelle évacuation des ressortissants étrangers, a indiqué une porte-parole.

Quelque 150 ressortissants français et 350 étrangers d’autres nationalités ont été accueillis depuis jeudi soir sur le  camp de Port-Bouë des forces françaises à Abidjan, a-t-on appris vendredi  auprès de l’état-major des armées à Paris.

Air France a annoncé vendredi soir qu’elle était “contrainte” de suspendre “momentanément” ses vols pour Abidjan en raison des troubles.

Par contre, “les frontières terrestres et maritimes restent fermées jusqu’à  nouvel ordre”, a indiqué la porte-parole de M.Ouattara vendredi.

Le camp Ouattara avait fermé jeudi toutes les frontières, juste avant  d’entrer dans Abidjan, la capitale économique, et affronter les partisans du  président sortant Laurent Gbagbo.

Le gouvernement du Alassane Ouattara a également instauré un cessez-le-feu de 21 h à 6 h GMT. La plupart des habitants d’Abidjan préféraient rester chez eux dans la crainte d’une bataille finale dans cette métropole d’au moins quatre millions d’habitants.

Amnesty craint des violations des droits de l’homme
Amnesty a mis en garde contre “un risque de violations massives des droits de l’homme” à Abidjan, “au bord du chaos”. L’organisation de défense des droits de l’homme a observé une “escalade de la violence” à mesure de la progression des troupes d’Alassane Ouattara. Elle dénonce des crimes commis par les forces loyales au président sortant Laurent Gbagbo mais aussi par celles de M. Ouattara.

Ces forces encore fidèles à Laurent Gbagbo sont positionnées en “deux endroits”: “le palais présidentiel” et la “résidence” de M. Gbagbo, a-t-il précisé.

Des forces françaises pour protéger des ressortissants européens
Selon l’état-major des armées à Paris, une cinquantaine d’hommes des forces françaises ont été déployés dans un quartier sud d’Abidjan où résident des ressortissants européens. Objectif: éviter les pillages.

“Il n’y a pas eu d’incident. La zone sur laquelle on a un visuel est plutôt une sorte de vide sécuritaire, ce sont des groupes crapuleux qui cherchent à profiter de la situation”, a-t-on précisé à l’état-major. Selon cette source, les ressortissants français ne sont “pas spécifiquement menacés”. 

Une offensive éclair qui a pris les fidèles de Gbagbo par surprise
Les Forces républicaines (FRCI), qui ont fait allégeance à Alassane Ouattara, président reconnu par la communauté internationale, regroupent essentiellement les ex-rebelles qui tiennent le nord du pays depuis 2002. Ils ont lancé une offensive lundi. La rapidité de leur avancée a créé la surprise.

D’ouest en est, les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Laurent Gbagbo ont été mises en déroute. Et à l’exception de Duékoué, carrefour stratégique de l’ouest, et de Daloa (centre-ouest), importante ville militaire située en plein “pays bété”, région natale du président sortant, elles ont offert assez peu de résistance.

 Saource AFP/France2

 Les forces en présence

Forces armées du camp Gbagbo
Les forces armées, fidèles au président sortant Laurent Gbagbo, ont perdu leur chef d’état-major, le général Philippe Mangou, qui a fait défection. D’autres généraux se sont ralliés à M. Ouattara, selon son premier ministre, Guillaume Soro.

Les Forces de défense et de sécurité (FDS) étaient évaluées jusqu’à ces dernières semaines à quelque 55.000 hommes. Mais de désertions en ralliements au camp Ouattara, leurs effectifs sont désormais impossibles à chiffrer.

Nombre de membres de ces FDS avaient ces derniers jours abandonné l’uniforme pour tenter de retrouver l’anonymat d’une tenue civile, selon des témoignages concordants.

Jeudi, le chef de la mission onusienne Onuci a affirmé que police et gendarmerie avaient “quitté” M. Gbagbo. Désormais, celui-ci ne conserve plus pour sa sécurité que des “forces spéciales” déployées autour du palais présidentiel et de sa résidence.
    
Forces pro-Ouattara

Les Forces républicaines de M. Ouattara regroupent les ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) qui tiennent le nord du pays depuis le putsch raté de 2002. Mais elles se sont étoffées au fil des victoires et des ralliements. Elles compteraient à présent entre 5 et 10.000 hommes, selon une source militaire internationale.

En pleine bataille de légitimité, les FN ont annoncé début mars que les forces armées réunissant combattants FN et éléments FDS ayant fait défection étaient baptisées “Forces républicaines de la Côte d’Ivoire” (FRCI ). Elles s’articulent pour l’heure essentiellement autour des “com-zones”, les chefs locaux FN comme Chérif Ousmane à Bouaké (centre) ou Losséni Fofana (“Loss”), dont les hommes ont lancé l’offensive dans l’ouest fin février.

Dans les quartiers populaires d’Abobo et d’Anyama, des insurgés pro-Ouattara se faisant appeler “commando invisible” ont peu à peu, depuis mi-février, délogé les FDS. Ces insurgés comptent de nombreux FN mais aussi des jeunes sympathisants pro-Ouattara ayant rejoint le commando ces dernières semaines.

ONUCI et Licorne
L’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), présente depuis avril 2004, compte actuellement près de 10.000 personnes (8600 Casques bleus, 1250 policiers).

Un millier de soldats de la paix, renforcés par des éléments FN, protégeaient le Golf Hôtel d’Abidjan, où étaient retranchés M. Ouattara et son gouvernement sous un blocus imposé par le camp Gbagbo depuis mi-décembre. Ce blocus a “disparu” jeudi, a annoncé l’ONUCI.
La force onusienne est appuyée par la force française Licorne (900 hommes), qui a dû intervenir jeudi à la suite de pillages dans un quartier d’Abidjan comptant de nombreux Européens et Français.
Accusée de soutenir les “rebelles” pro-Ouattara, l’ONUCI a été à plusieurs reprises attaquée par des partisans de M. Gbagbo.

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