La prise d’acte de la rupture du CDI : mise à jour du Code du travail

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Par FIPCOM 12 Août 2014 18:47

La prise d’acte de la rupture du CDI : mise à jour du Code du travail

Cette nouvelle forme de rupture de la relation contractuelle fait son entrée (par la petite porte) dans le Code du travail.

Selon une jurisprudence bien établie, la prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail. Cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
La prise d’acte de rupture du contrat de travail a été créée par la pratique lorsque le salarié considère que son contrat de travail est rompu, aux torts de l’employeur, dès lors que ce dernier n’a pas respecté ses obligations contractuelles. Toutefois, elle ne peut être reconnue et qualifiée en tant que telle, que par le Conseil des Prud’hommes.
En effet, c’est au juge que revient la compétence pour décider si la rupture doit être regardée comme une démission ou comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. C’est également lui qui fixe le montant des indemnités s’il y a lieu. Cette procédure judiciaire est désormais encadrée par la loi (n°2014-743) du 1er juillet 2014.
On soulignera toutefois un fait rare : le législateur n’a pas souhaité encadrer toute la procédure de la prise d’acte laissant ainsi aux magistrats toute latitude pour parfaire leur jurisprudence. C’est donc bien les juges qui vont dessiner et encadrer les conditions, la forme et les conséquences de la prise d’acte.

Les exigences posées par la jurisprudence en matière de prise d’acte:
Pour que la prise d’acte soit qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il faut que la (ou les) faute(s) que le salarié impute à son employeur soient suffisamment graves, c’est-à-dire qu’elles doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail (Cass / Soc. 19 janvier 2005 – pourvoi n°03-45018 ; Cass / Soc. 30 mars 2010 – pourvoi n°08-44236).

Contrairement au principe de droit du travail qui veut que le doute profite au salarié lors d’un litige, dans le cas de la prise d’acte, la charge de la preuve incombe au salarié (sauf cas particulier) et le doute ne lui profite pas non plus (Cass / Soc. 19 décembre 2007 – pourvoi n°06-44754).
C’est le juge du Conseil des prud’hommes, et en cas d’appel, le juge de la Cour d’appel, qui apprécie souverainement les fautes que le salarié impute à son employeur (Cass / Soc. 16 novembre 2004 – pourvoi n°02-46048).

A titre d’exemples, ont été qualifiées en licenciement sans cause réelle et sérieuse, une prise d’acte liée :
• au non-respect du droit au repos hebdomadaire,
• au fait pour l’employeur, d’avoir harcelé sexuellement un salarié,
• au fait de ne pas payer les heures supplémentaires à un salarié alors qu’elles lui sont dues,
• le fait pour l’employeur d’avoir modifié unilatéralement la rémunération d’un salarié, même si c’est dans un sens plus favorable au salarié,
• le fait pour un employeur de ne pas donner de travail à un salarié.

Au contraire, a été qualifiée de démission, la prise d’acte dans laquelle le salarié reprochait à son employeur :
• des retards dans le paiement de salaires qui s’expliquaient par des jours fériés,
• d’avoir modifié son contrat de travail, sans que les faits invoqués n’aient été établis ou prouvés,
• de ne pas avoir répondu à sa candidature à un plan de départ volontaire dans le cadre d’une procédure de licenciements économiques.

Quel est l’objectif de la prise d’acte ?
Pour le salarié qui prend acte :
Lorsque le salarié est confronté à la non-exécution par son employeur de ses obligations contractuelles (ex : non paiement du salaire), voire même à des actes illicites commis à son égard (ex : harcèlement moral ou sexuel), alors, la prise d’acte est le moyen pour le salarié de quitter l’entreprise sur le champ sans être fautif. Par la suite, il pourra obtenir des indemnités en assignant son ancien employeur en justice.

Lorsque la prise d’acte est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut obtenir :
• une indemnité de préavis,
• une indemnité de licenciement,
• une indemnité au titre des congés payés,
• une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass / Soc. 3 février 2010 – pourvoi n°07-42144).

Par contre, si la prise d’acte est assimilée à une démission, le salarié peut être condamné à payer à son ancien employeur une indemnité pour non-exécution du préavis, même si dans les faits cela est assez rare (Cass / Soc. 2 juillet 2008 – pourvoi n°07-42299).

La plupart du temps, le salarié est simplement débouté de ses demandes d’indemnité et n’a pas droit aux indemnités de chômage.

Pour l’employeur qui est confronté à une prise d’acte :
L’employeur qui constate qu’un salarié a rompu son contrat de travail

– lorsque par exemple il ne vient plus au travail sans fournir d’explication

– doit entamer une procédure de licenciement pour faute, sans quoi, les juges du fonds déclareront le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
sans même avoir à vérifier si les griefs reprochés sont exacts ou non.

Les contentieux se multipliant, le législateur devait intervenir

Permettre le développement d’une pratique jurisprudentielle en laissant aux juges le soin de fixer les règles à respecter, conduit à l’adoption de décisions contradictoires. Celles-ci peuvent alors plonger les salariés dans l’incertitude sur l’issue de la procédure et peuvent en dissuader certains de quitter leur emploi.
Face à la multiplication des cas, les juridictions commencent à rendre des arrêts quelque peu surprenants, dont celui de la cour de Cassation du 12 janvier 2011, (pourvoi n°09-70838). Dans cette jurisprudence, la Haute juridiction a estimé que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail suite à un accident du travail, pour lequel il impute à son employeur le grief de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité de résultat, la charge de la preuve n’incombe plus au salarié
mais à l’employeur.
Pour que la prise d’acte soit encadrée par le législateur, la députée Bérengère Poletti avait déposé en décembre 2012 une proposition de loi qui visait à insérer les articles L1237-17 et suivants dans le Code du travail, parmi les “autres cas de rupture du CDI”, aux côtés de la démission, de la retraite et de la rupture conventionnelle.
Appuyant cette volonté de légiférer, sans pour autant reprendre le contenu de cette réforme, le député Braillard et plusieurs de ses collègues ont déposé fin juin 2013 une autre proposition de loi, relative aux effets de la prise d’acte du contrat de travail par le salarié, désormais définitivement adoptée et publiée au journal officiel.

La Loi Braillard
Le principe et les effets de la prise d’acte :
L’article L1451-1 du Code du travail prévoit que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’une démission.
En prenant acte de la rupture de son contrat de travail, le salarié rompt immédiatement et définitivement son contrat de travail. Aucune rétractation de la prise d’acte n’est possible.
Il est également possible pour un employeur de prendre acte de la rupture du contrat de travail de l’un de ses salariés en cas de manquements à ses obligations personnelles de ce dernier. Dans ce cas, l’employeur met en place la procédure de licenciement pour motif personnel, prévue aux articles L1232-1 et suivants du Code du travail.

La justification et la forme
Pour que la prise d’acte de rupture du contrat de travail puisse être valable, celle-ci doit reposer sur des motifs et faits suffisamment graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail et qui devront être exposés dans la lettre de rupture.
La lettre de rupture peut se faire par tous moyens écrits. Elle ne peut être verbale.
Les effets de la prise d’acte Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail,
l’employeur met immédiatement à la disposition du salarié ses documents de fin de contrat : certificat de travail, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte.
Sur l’attestation Pôle Emploi, l’employeur précise le mode de rupture, en apposant la mention “prise d’acte du contrat de travail”.

La phase contentieuse
La requalification de la prise d’acte de rupture du contrat de travail en démission ou en licenciement sans cause réelle et sérieuse est appréciée souverainement par les juges siégeant au conseil des prud’hommes en fonction des éléments produits par les parties.
En matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le doute ne profite pas au salarié, sur qui pèse la charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

Il en est de même, réciproquement, lorsque c’est l’employeur qui prend acte de la rupture du contrat de travail.
Les conséquences judiciaires En cas de requalification par le conseil des prud’hommes de la prise d’acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à :

prévues par les articles L1234-5, L1234-9 et R1234-2 du Code du travail;
• une indemnité compensatrice de congés payés ;
• une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En cas de requalification par le conseil des prud’hommes de la prise d’acte de rupture du contrat de travail en démission, l’employeur peut prétendre à une indemnité pour non-exécution du préavis par le salarié.
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, il doit saisir le Conseil de prud’hommes pour qu’il statue sur les effets de cette rupture. Il doit rapporter la preuve des manquements de l’employeur qu’il invoque. Mais surtout, dès qu’il prendre acte de la rupture de son contrat de travail, le salarié se retrouve sans ressource.

A partir du moment où le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail et qu’il a saisi l’instance prud’homale, sa situation est extrêmement précaire, puisque :
• il doit attendre un mois que la procédure prud’homale se déroule : une audience devant le bureau de conciliation et une audience devant le bureau de jugement (avant il fallait attendre en moyenne de 10 mois et jusqu’à 16 mois à Paris) ;
• pendant la période d’attente du jugement, le salarié ne bénéficie d’aucune protection sociale ;
• en cas de prise d’acte pour non-paiement des salaires, l’ouverture de droits aux allocations chômage est possible sur présentation du justificatif de saisine du Conseil des prud’hommes.
Seul le conseil de prud’hommes, statuant au fond, est juge de l’imputabilité de la rupture. Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

Sources : Juri travail – legifrance – Assemblée Nationale

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