Multilinguisme. Le discours de Daniel Gibbs

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 24 Oct 2013 14:32

Multilinguisme. Le discours de Daniel Gibbs

241013-UDL’union pour la Démocratie organisait hier, mercredi 23 octobre, une conférence débat sur le thème “La société saint-martinoise et son école face au multilinguisme”. Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution prononcée le Président de l’UD, Daniel Gibbs, à cette occasion.

Mesdames, messieurs,

Permettez-moi, tout d’abord, de remercier chacun d’entre vous pour votre présence parmi nous aujourd’hui.

Je souhaite saluer également les conférenciers qui ont répondu présent à l’invitation à ce colloque sur la prise en compte du multilinguisme dans l’éducation saint-martinoise : Mme Rodha Arrindell, M. Robert Romney, vos expertises sur ce sujet complexe font référence au-delà des « frontières » de notre territoire partagé, soyez remerciés pour votre implication ce soir, vos éclairages nous seront bénéfiques.

Je ne suis pas un expert du multilinguisme, mais je suis un Saint-Martinois et comme tous les Saint-Martinois, je compose depuis toujours, au quotidien, avec la diversité linguistique et le dialogue et la diversité interculturels.

Comme tous les Saint-Martinois également, je m’interroge sur l’éducation reçue par nos enfants : près de 10 000 élèves sont scolarisés chaque année à Saint-Martin quand une poignée d’entre eux seulement, quitte l’île le baccalauréat en poche.

Aux nombreux facteurs qui peuvent expliquer l’échec scolaire, depuis des difficultés d’ordre structurel à des problématiques sociétales, s’ajoute, sans aucun doute, la manière d’enseigner à Saint-Martin.

Ne vous méprenez pas : c’est dit sans aucune « attaque » de ma part envers le corps enseignant. Je constate simplement que l’enseignement à Saint-Martin n’a jamais été adapté à la réalité linguistique de notre territoire, avec les conséquences regrettables que l’on sait puisqu’elles laissent encore trop de nos élèves au bord du chemin.

Certes, depuis quelques années, des avancées concrètes ont eu lieu : je pense à l’instauration des classes euro-caribéennes dans le second degré. Je souhaite que ces initiatives, encore timides, se multiplient pour les classes des collèges et lycée, mais que l’on s’attèle également à un apprentissage de la langue qui « colle » plus à notre contexte linguistique, dès les petites classes de maternelles.

La Collectivité a cette compétence « éducation » pour le premier degré et la loi organique qui nous régit nous permet de « déterminer les conditions d’un enseignement complémentaire en anglais, afin de faciliter, par la prise en compte des spécificités culturelles de Saint-Martin, l’apprentissage de la langue française ». (L.O. 6314-9 du code des collectivités territoriales)

J’ajoute qu’en vertu de l’article L.O. 6314-10 du code des collectivités territoriales, nous avons également la possibilité d’adopter un plan de développement de l’enseignement de la langue française, par le biais d’une convention Etat/COM, tendant à prendre en compte nos spécificités culturelles et linguistiques.

Sur le plan institutionnel donc, nous avons des outils (inutile d’aller retoucher la loi organique, au moins sur ce point précis donc !) 

Sur le plan de la problématique linguistique, des experts – dont certains sont dans nos rangs ce soir – ont établi un diagnostic.

Sur le plan politique en revanche, rien n’a été fait depuis 2007. Si l’on exclut, bien entendu, la création d’une commission bilinguisme  (visant à en dessiner les contours d’application) et dont le Conseil territorial attend le compte-rendu des premiers travaux depuis des années. Passons…

J’ai lu pas plus tard qu’hier, que les Nations Unies ont lancé la semaine dernière, un concours invitant les étudiants du monde entier à écrire, dans une de ses six langues officielles, un essai sur le rôle du multilinguisme dans un monde globalisé. Intitulé « Many Languages, One World », ce concours a pour objectif de soutenir l’éducation et le multilinguisme à travers l’étude continue de l’arabe, du chinois, de l’anglais, du français, du russe et de l’espagnol…

Le respect de la diversité linguistique est également une valeur fondamentale de l’Union européenne qui l’a inscrite dans sa Charte des droits fondamentaux, à ses articles 21 et 22…

Tout cela pour dire que la communauté internationale élargie commence véritablement à s’engager en faveur du multilinguisme et de la diversité linguistique et, notamment, de la sauvegarde des langues en danger.

Tout cela pour dire également, qu’il faut démystifier le multilinguisme : la situation Saint-Martinoise, si elle est particulière, spécifique, n’est en aucun cas unique. Et lorsque moins d’un adolescent européen sur deux maîtrise bien une langue étrangère, que seuls 14% des Français se disent compétents en anglais… notre contexte linguistique apparaît comme un atout précieux.

Oui, le multilinguisme de Saint-Martin, au sens défini par la Commission européenne de « capacité d’une personne à utiliser plusieurs langues et la coexistence de plusieurs communautés linguistiques dans une zone géographique donnée», est une chance.

Mais il faut nous donner les moyens de faire de cette chance un facteur de réussite et de valorisation de nos jeunes dignes de ce nom. Et cela suppose de nous atteler aux domaines d’actions que sont, par exemple, la formation des enseignants ou encore l’apprentissage précoce des langues…

Ce sont toutes ces thématiques que je vous propose d’aborder ce soir, afin de définir plus précisément ce que nous souhaitons voir mis sur pied pour nos enfants dans un futur proche. Je vous souhaite d’excellents travaux et un très bon colloque.

Merci de votre attention. 

Seul le prononcé fait foi.

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 24 Oct 2013 14:32