Je dis NON à la liberté de la presse

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 3 Mai 2013 18:50

Je dis NON à la liberté de la presse

Evidemment, ceci peut sembler être un titre en totale opposition avec notre principe “d’information libre de Saint-Martin”, pourtant… En cette période où le droit à la française tente de prendre un espace qui n’a pas été forcément le sien au regard de l’histoire de Saint-Martin, la question se pose réellement, même si elle semble de prime abord complètement à contre-courant : toutes les vérités sont-elles bonnes à dire, à vulgariser ou à relayer ?

Berçons-nous d’illusions…

Dans un monde idéal, la presse serait mise au courant de tout ce qui concerne le citoyen par l’ensemble des services qui régissent notre cadre de vie, qu’ils appartiennent au pouvoir politique, judiciaire, législatif, exécutif, policier ou économique. Pourquoi ? Juste pour que la population puisse savoir comment est utilisé l’argent public qui est le sien.
Le gros avantage serait que nous n’aurions pas d’écran de fumée politico-stratégique autour de la transparence et ne serions pas depuis 50 ans en passe de désavouer toute la classe poilitique car la transparence serait une réalité de fait et au quotidien. Notons qu’au passage cela permettrait à l’ensemble des pouvoirs cités ci-avant de s’occuper de leurs prérogatives primordiales plutôt que de se masturber sur des épiphénomènes qui ne changeront rien à notre quotidien.

La presse… oui mais !

Médiapart peut se gargariser d’avoir eu raison et d’avoir déboulonné un ministre escroc mais très franchement, l’impact de ce fait de presse n’a pas changé le quotidien des français, pas plus que le patrimoine d’un ministre qui ne sera plus là demain ne changera la vision qu’a de la république le français moyen… cela n’aura fourni que de la matière au reality show.
L’hyper activité des médias et leur incroyable réactivité conduit à une sorte d’uniformité de l’information : Cahuzac épinglé fait couler plus d’encre que les 278 000 morts de faim en Somalie et les attentats de Boston auront occulté le reste de l’actualité pendant quatre jours …… quand ce n’est pas le Barcelone et le football.

Oui mais, la presse ici ?

Localement, autour de la SEM, de la Collectivité, des AOT, des permis de construire, des marché publics, de la prise illégale d’intérêt, des faits de copinage ou d’obligations liées à l’atavisme, du racket organisé autour de l’immigration illégale… il semble bien que tout ce qui aurait dû rester discret finit invariablement par fuiter.
Au sein même de petits cercles très fermés où des décisions importantes sont prises face aux crises permanentes que subit notre territoire tout en préservant des passe-droits historiques, et malgrè l’omertà qui préserve les interêts particuliers, certains diffusent ce qui constituera les manchettes de la presse de demain, c’est un fait. Mais pourquoi ????
De façon raccourcie et sans doute trop individuelle, j’aurais tendance à penser que ce qui a motivé l’électeur en mars 2012 à voter dans le sens d’un grand changement n’a pas été rassasié et que ce changement souhaité habite toujours la plupart d’entre nous y compris dans de hautes sphères. L’expression par les urnes n’a pas amené de réel bouleversement dans notre quotidien et il s’agirait maintenant de faire sauter ce qui doit l’être. La presse est dans ce cadre d’une aide préciseuse. Nous recevons beaucoup de documents qui font l”effet de patates chaudes.
Mais soyons magnanime, le changement nécessite de l’argent dont nous ne disposons pas et aussi une volonté triple complexe à assumer : accepter et assumer son passé, vouloir intégrer un système de règles françaises ou européennes et se doter des moyens ou compétences pour faire exister dans ce cadre les spécificités qui ont justifié notre évolution statutaire.

Mais quelle responsabilité la presse est-elle prête à endosser ?

Alors, je reviens à ma question initiale : est-ce que tout doit être dit, vulgarisé et diffusé ? Est ce que cela participe réellement de la construction localement de notre collectivité ? La presse, aussi libre soit elle, répond aux même canons que l’entreprise lambda. Evidemment la liberté, ce droit qui est le notre, sert bien souvent de paravent à une autre motiviation : être celui qui a mis à mal la machine, la société, le ministre, l’élu, l’admistrateur, le fonctionnaire… bref celui qui œuvre dans l’opacité d’un système rodé qui n’est pas prêt à passer la main ou à s’ouvrir. Pourquoi ? Pour s’assurer la reconnaissance de ses pairs et un lectorat plus nombreux, seul véritable baromètre valide aux yeux des annonceurs.
Les médias forment une corporation qui en cas de réel coup dur porté au métier se révèle assez soudée même s’ils sont quotidiennement en concurrence, car elle dispose d’un droit spécifique qui lui permet régulièrement de mettre à mal la machine. Souvenons nous : il y a quelques années une élue fatiguée des “attaques” permanentes de la presse locale vis à vis de la politique menée par sa majorité avait émis sous l’effet de la colère l’idée que l’on vérifie le “pédigree” des journalistes. Réaction unanime ou presque des professionnels locaux porteurs de carte… une pétition avait été lancée. Personnellement, je ne l’avais pas signée.
Soit… mais est-ce que les scoops révélés par la presse participent réellement de la réforme de la société ? J’aurai tendance à répondre par un NON franc et clair… cela ne participe réellement qu’à une chose : inviter les systèmes opaques à le devenir encore plus et donc…… inviter les journalistes à chercher encore un peu plus.
Clearstream, Cahuzac, Guéant, Trierweiler, Sarkozy, Chirac, Balladur, Miterrand and so on… tous ont subit les révélations avérées justes de la presse. Aujourd’hui, les hommes et femmes en positions puissantes se cachent des micros, caméras ou autre moyens de les prendre sur le fait tant la presse est omni-présente… le petit-journal devient la bête noire de ces puissants et franchement, je m’en amuse. Mais la presse ne pourrait-elle avoir un autre rôle ?
Dans toutes les rédactions existent des dossiers en attente, des dossiers qui attendent de pouvoir être journalistiquement traités sans crainte de représailles judiciaires ou sociales. Tous les journalistes disposent d’éléments qui pourraient mettre à mal le chateau de cartes mais bon nombre de ces dossiers ne sortiront qu’après la fin du ou des puissants incriminés.

La liberté de la presse : un droit …

C’est une réalité en France en tous cas et il est généralement de bon aloi de coupler l’exercice de cette liberté avec une forme de validation du “niveau“ de démocratie d’un territoire. Mais le notre est encore une fois particulier au niveau de l’essence même du mot DROIT.
Que l’Etat suite à notre évolution statutaire nous “invite“, face aux compétences qu’il nous a concédées, à respecter les règles du jeu est une évidence. Mais je me souviens d’un entretien off il y a quelques années avec un représentant de l’état à une époque où l’insécurité défrayait la chronique. L’histoire de Saint-Martin s’est construite sans l’état pendant très longtemps et la départementalisation qui nous à fait “commune de Guadeloupe“ signe le retour de la représentation française du droit sur notre territoire. 50 ans plus tard, vouloir faire entrer Saint-Martin dans un assemblage de codes, c’est un peu vouloir introduire une clé carrée dans une serrure triangulaire. Au final, il semble bien que lorsque l’on confronte au droit français les “cas” créés par les spécificités locales, chaque dossier devient explosif et une manne pour les avocats. L’un d’entre eux me lançait récemment avec légèreté : “le droit, c’est la vie !”, formule qui m’a laissé pensif. Dans un domaine autre qu’est l’éducation et vis à vis duquel la formule “l’éducation, c’est la vie” pourrait avoir au moins autant de sens, il est recommandé aux enseignants de procéder face à des classes hétérogènes à l’application d’une pédagodie différenciée… Cette notion ne pourrait-elle pas s’appliquer aussi au droit quand au sein de la République les territoires apparaitraient comme foncièrement différents ?
L’évolution statuaire aurait pu constituer une réponse positive à cette question. Dans nos domaines de compétences, il nous était et nous est encore possible d’adapter les codes à nos besoins, certes sans qu’il y ait rétroactivité législative, mais avec une vraie évolution, conforme à notre spécificité au sein de la République.

… mais pas un devoir !

La presse libre peut, par définition, décider arbitrairement de sa ligne éditoriale, du contenu de ses colonnes et de la consistance de ses analyses. Le lecteur, dans un système opaque – malgré les grandes manoeuvres actuelles autour de la transparence, absorbe ce qui lui est servi sans garantie de véracité ou d’objectivité. Ceci est encore plus vrai sur notre territoire où le tissu journalistique est pauvre et l’utilisation d’Internet comme source d’information encore trop rare ou trop inaccessible. Ainsi, la presse, au nom de sa chère liberté, peut poser elle-même ses limites à condition qu’elles soient dans la légalité.
La liberté de la presse corrompt le système à travers la défiance des institutuions à son égard, défiance qui elle-même entraîne encore plus d’inquisition et d’envie de dévoiler de la part des journalistes.
Au final, entre un système politique déclaré “pourri”, une justice difficilement applicable localement, et une presse omnipotente parce libre, quelle place est laissée au citoyen et à l’information claire et objective à laquelle il devrait pouvoir prétendre ?

Pour conclure, parce qu’il le faut…

Au-delà de toutes ces considérations, je nourris l’espoir de parvenir à faire en sorte que SXMinfo soit considéré comme un outil médiatique à part, aussi capable d’accompagner avec bienveillance l’émergence de projets, d’idées dans le respect de nos spécificités et en bonne intelligence avec nos interlocuteurs.
SXMinfo ne répondra jamais aux canons des médias traditionnels, c’est un outil avant gardiste dont chacun d’entre vous est invité à se servir.

Pas satisfait de cette vision…… une autre est disponible ici.

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 3 Mai 2013 18:50