Saint-Martin. Le BTP, bis repetita

Yves KINARD
Par Yves KINARD 28 Sep 2013 15:19

Saint-Martin. Le BTP, bis repetita

Yves Kinard, Rédacteur

Yves Kinard,
Rédacteur

Les épisodiques sursauts du BTP ont comme un goût de déjà vu et je relisais les articles que j’avais fait sur le sujet les autres années. Sans surprise, je me disais que je pourrais tout aussi bien réutiliser l’un de ceux écrits précédemment tant ils sont encore d’actualité. Mais j’épargnerai au lecteur fidèle cette réédition. Peut-être faut-il, sans langue de bois ni longues phrases, revenir sur la situation et mettre les points sur les i.

Je lis ce matin une nouvelle missive du BTP concluant sur une avancée, certes limitée: la reprise des travaux sur 92 des 142 logements, mais avancée quand même. Victoire en demie teinte pour eux. Je dirais emplâtre sur une jambe de bois, reculer pour mieux sauter. Car qu’y a-t-il après? Nouveau cheval de bataille ensuite: la dotation.

Bien sûr, la cause est juste, bien sûr il faut du travail, il faut recevoir une dotation juste, il faut aussi que Saint Martin bénéficie d’une inscription raisonnable dans le prochain programme opérationnel (les fonds Feder). On est bien d’accord. Mais le moyen d’y arriver est-il le bon?

En fait, la réalité serait plutôt de dire que nous nous y prenons comme des manches. En effet, pour obtenir des fonds Feder, le meilleur moyen est de rentrer des projets. Or, le problème est là : Saint Martin se marginalise en rentrant peu de projets tout simplement parce que, lorsque un projet est retenu par l’Europe, nous recevons un pourcentage du financement qu’il faut alors compléter. Normalement, c’est l’Etat qui apporte sa contribution, mais aux côtés des régions, des départements et des collectivités. Chez nous, ces trois dernières ne font qu’une entité qui se retrouve alors à devoir financer une part trop importante hors de portée de ses maigres finances. La Collectivité n’a donc d’autres choix que se diriger vers des projets largement financés, en réduisant ainsi l’impact sur ses finances. Mais leur utilité immédiate de ces mêmes projets est discutable. Il ne faut donc pas chercher plus loin le manque d’imagination de nos élus qui sont simplement contraints par leur logique économique d’un côté et électoraliste de l’autre. C’est sans surprise que les projets présentés vont plutôt vers le béton (construction d’un EHPAD par exemple) à caractère social ou, autre exemple, ces fameux logements (qui ne doivent pas être financés, je pense, par l’Europe, eux).

Je l’avais déjà souligné lors du précédent plan de relance attribué au BTP (l’injection d’argent via la réalisation de la médiathèque et des réservoirs). Certes, c’est intéressant, mais une fois injecté, cet argent ne rapporte plus rien (il coûte même). Alors que la même somme investie dans un outil productif comme un hôtel ou des quais aurait contribué à faire rentrer de l’argent à Saint Martin en provenance de l’extérieur, d’une manière pérenne. La médiathèque est l’exemple parfait de cette absence d’imagination. Qu’avions-nous besoin de disposer, sur notre sol, de nos archives? Certes étroite, la bibliothèque n’était-elle pas plus accessible là où elle était que sur les hauteurs de Concordia? Mais le pire, c’est de se dire que le temps qu’elle se construise, nos autorités n’ont eu aucune imagination pour mettre en place un programme d’utilisation de ce bel outil au point qu’on en est, parait-il, à se demander maintenant comment financer son fonctionnement, chose que j’avais annoncée il y a un an ou deux. Il eut fallu penser à recruter, par exemple, une société spécialisée dans l’événementiel culturel pour, dès l’ouverture, lancer un festival du film à thème caribéen, ou une exposition tournante de grands peintres ou plasticiens de la région, ou encore des séries de conférences. Bref, faire vivre, par avance, un centre qui va maintenant grever lourdement nos finances ou être abandonné et sous-employé. Mais cela aura permis de retarder la fin inéluctable de quelques entreprises pourvoyeuses d’emplois….

Aujourd’hui, il n’y a pas 36 solutions. L’Etat, la Collectivité, l’Europe n’ont plus guère de moyens, surtout à cause de leur interdépendance. L’Europe ne sait rien donner si on ne lui demande pas, et on ne demande pas car on ne peut payer notre part, sans compter que l’Europe a réduit ses budgets et réorienté sa politique de financement. La solution ne peut venir que de deux axes qui sont également privés: le partenariat privé public et les financements intégralement privés. Dans les deux cas, la solution est à l’extérieur de l’île en abandonnant une part de notre autonomie au profit de grands groupes privés qu’il faudra d’abord appâter, ensuite rassurer par une gestion prévisible à long terme et des perspectives saines.

Le remède est simple et cela fait trois ans que je le souligne. Il existe dans notre capacité à monter nos propres projets: que les professionnels se regroupent pour étudier des orientations concrètes, qu’ils les définissent, les construisent, les chiffrent, qu’ils obtiennent la participation de la Collectivité pour la part qui lui incombe (permis de construire, autorisations diverses, engagement d’infrastructures) et qu’enfin tous ensemble, ils en fassent la promotion. De plus, cette solution contourne l’écueil souvent reproché, mais inévitable dès lors qu’il s’agit d’argent public passant par des mises en concurrence, du manque de préférence locale. En effet, dès lors qu’on est initiateur d’un projet à caractère privé et porteur des moyens de sa réalisation, sa vente inclut l’utilisation des moyens qui l’ont défini. En d’autres termes, ceux qui auront initié un projet seront aussi ceux qui le réaliseront. A condition de ne pas exagérer dans les devis, sinon pas les clients seront aux abonnés absents……

Yves KINARD
Par Yves KINARD 28 Sep 2013 15:19