La belle Bande de Villeréal fait son festival… Loin d’Avignon…

Rédaction
Par Rédaction 16 Juil 2011 06:27

La belle Bande de Villeréal fait son festival… Loin d’Avignon…

Là, il y a deux bistrots, deux hôtels, une salle des fêtes, un hippodrome de campagne, de belles bastides mais pas de théâtre.
Cependant, s’étendant par à coups autour des piliers de chênes de sa vieille halle, ce chef-lieu de canton de moins de 1 200 habitants a accueilli à bras ouverts une brassée de jeunes troupes talentueuses partageant une ambition commune : faire du théâtre autrement.

Loin du marché pro et de la vitrine avignonnaise, c’est un petit festival avenant, niché dans le nord du Lot-et-Garonne, non loin de la Dordogne, à Villeréal.

Autrement ? Oui. « En totale rupture avec les modes de production habituels », disent-elles, loin du star-system, loin de tout formatage de la création, loin de tout « produit ». Et au cœur de juillet, cela veut dire non un festival importé affichant un catalogue de spectacles, mais une manifestation inscrite dans la cité par le travail quotidien de la création.

Jean-Pierre Vernant au café L’Etrier

A Villeréal, le Festival invite des compagnies et s’appuie d’abord sur des créations répétées in situ. Le Festival 2011 dure une semaine (du 11 au 17 juillet) mais les équipes de création sont là depuis six semaines, « c’est dans la durée que la relation avec le village et les habitants se concrétise », dit Samuel Vittoz pour le collectif Vous êtes ici, à l’origine de ce festival. A la terrasse du café L’Etrier où, trois après-midis durant, il lira une conférence de Jean-Pierre Vernant « Ulysse en personne » prononcée en 1994 au Collège de France, Vittoz raconte la genèse de cette histoire qui remonte loin, avant même sa naissance quand son père (Michel Vittoz, traducteur et dramaturge) et sa mère (l’actrice Nathalie Nell) ont acheté une bicoque dans le coin. La conférence de Vernant, il l’a entendue pour la première fois dans la voiture des parents un été sur la route de Villeréal.

La suite se noue plus tard autour du réputé conservatoire d’art dramatique du Ve arrondissement de Paris.« On formait un groupe de trente, il y avait de fortes personnalités et cependant on travaillait ensemble. » De ce groupe vont naître les collectifs Vous êtes ici et La Vie brève. Par la suite, certains entreront au CNSAD (Conservatoire national supérieur d’art dramatique supérieur, c’est là que Samuel Vittoz rencontrera Lise Maussion qui, avec Damien Mongin, feront partie de la compagnie d’Ores et déjà avant de fonder le collectif Pole nord), d’autres entreront à l’école du Théâtre national de Strasbourg ou ailleurs. Mais l’amitié perdurera. Tous, très critiques quant à la situation actuel du théâtre, « ont envie d’inventer autre chose ».

Du collectif à La Bande, « communauté de pensée »

Aujourd’hui les collectifs Vous êtes ici, La Vie brève et Pôle Nord forment une communauté de compagnies baptisée « La Bande ». Un rassemblement qui s’est fait non sur une esthétique commune – chaque collectif a la sienne – mais à partir d’une « communauté de pensée ». La Bande n’a pas de modèle, son mode de fonctionnement s’invente chaque jour.

Elle entend se doter de moyens de production, et a déjà un lieu de travail aménagé dans une grange près de Villeréal à Montaut (siège de la compagnie Vous êtes ici). Mais aussi chaque collectif entend « faire tourner les postes » (pas de metteur en scène ou décorateur unique et attitré), faire bouger les lignes. « Il y a tout à inventer », dit Samuel Vittoz.

La Bande (au demeurant extensible) est au cœur du festival à Villeréal qui se veut un chantier vivant. D’ailleurs, il n’y a pas seulement des spectacles, ainsi après un cycle sur la physique quantique l’an dernier, cette année les scientifiques David Clément et Vincent Jacques racontent les origines de la supraconductivité. Il y a du cinéma, du chant lyrique, du cabaret. On y parle aussi philosophie. L’an dernier la lecture d’un texte de Deleuze sur Spinoza a fait un tabac au café L’Etrier devant un public où l’on comptait bon nombre d’habitants du village. L’idée sous-jacente est de montrer que le théâtre ne s’arrête pas au temps de la représentation, qu’il est une « pensée complexe » (terme emprunté à Edgar Morin) avec des dimensions sociales, politiques et économiques.

Riverains, devenez mécènes du Festival

Le budget du festival s’élève à 30 000 euros ; 10 500 euros de subventions (commune, département et, pour la première fois, région),

  • les recettes (places plein tarif : 8 euros),
  • les aides des artisans et commerçants de Villeréal,
  • un mécénat personnalisé avec l’opération « Devenez mécène à partir de 20 euros » (Vous êtes ici, Lamolle, 47210 Montaut).

Les artistes qui participent au Festival ne sont volontairement pas payés et viennent là, en toute connaissance de cause, sur le mode d’un « bénévolat choisi ». C’est « une bulle dans le système », dit Vittoz : « On n’aurait pas pu solliciter les gens du village comme on l’a fait si on avait été payés. » Dès la deuxième édition du Festival l’an dernier, une association des amis du Festival s’est constituée. Cette année, il va plus loin encore en souhaitant se redéployer toute l’année à Villeréal et dans la région. D’ailleurs Samuel Vittoz vit désormais à Villeréal, mais garde un pied à terre à Paris, « ma résidence secondaire », sourit-il. Le premier soir, on se bousculait sur les étroits gradins dressés devant l’église pour assister au « Pylade » de Pasolini mis en scène par Damien Houssier. Les acteurs évoluaient sur une langue de terre ou en haut de l’église et suspendaient leur tirade le temps que les cloches sonnent les heures et les demi. Leurs visages étaient familiers aux habitants venus nombreux : ils les avaient souvent croisés dans les rues ou au café entre deux répétitions et plus d’un avait donné un coup de main selon ses compétences.

Si Vittoz vit désormais dans le Lot-et-Garonne, ses amis de Pôle Nord, très présents à Villeréal, ont eux quitté Paris pour l’Ardèche. Leurs propos font échos à ceux de Vittoz et ceux de tous les acteurs présents à Villeréal : « Nous avons eu besoin de retrouver pourquoi nos jouons des spectacles », disent-ils. Tout simplement

 

SOURCE : RUE 89

L’auteur
Jean-Pierre Thibaudat

Ancien de Libération parti sur d’autres routes, J’écris des livres (bio de J-L. Lagarce aux Solitaires intempestifs, entretien avec K. Lupa et prochainement un livre sur Igor de la Volière Dromesko chez Actes sud). Je collabore occasionnellement à France Culture, je poursuis pour le Théâtre de Gennevilliers une chronique de « gens de Gennevilliers », etc.  Je tire sur tout ce qui me bouge.  Je voyage, essentiellement vers l’est, comme conseiller artistique du festival Passages en Lorraine (prochaine édition mai 2011), festival des théâtres de l’est et d’ailleurs désormais basé à Metz.  Pour le festival, j’écris la chronique de mes voyages.

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