AFFAIRE DSK. Cyrus Vance Jr, un procureur en déroute ?

F.L
Par F.L 1 Juil 2011 12:32

AFFAIRE DSK. Cyrus Vance Jr, un procureur en déroute ?

(c) Afp

Les nouveaux éléments jettent le trouble sur la victime présumée, et de facto sur le procureur du district de Manhattan.

NEW YORK. L’affaire Dominique Strauss-Kahn mise en péril ? Selon des informations du quotidien américain The New York Times citant deux enquêteurs non identifiés, des soupçons sont désormais portés sur le parcours personnel de la femme de chambre guinéenne. Le bureau du procureur du district de Manhattan qui supervise l’affaire DSK, Cyrus Vance Jr, a admis jeudi 30 juin avoir “rencontré des problèmes avec le dossier” après les découvertes de leurs investigateurs. Des failles dans le dossier de l’accusation qui tombent mal, en période préélectorale où “il se doit de considérer ses chances qu’il a d’emporter la conviction des jurés”, comme expliqué par Marc-Pierre Stehlin, avocat aux barreaux de Paris et de New York, dans un entretien accordé au Nouvel Observateur. Dans le système pénal américain, la charge de la preuve incombe à l’équipe de l’accusation.

Un acharnement critiqué

Cyrus Vance Jr, âgé de 56 ans, se trouve dans une situation délicate. Les journalistes du New York Times affirment que Nafissatou Diallo a eu une conversation téléphonique – enregistrée- avec un dealer de drogue incarcéré, le lendemain de l’arrestation de DSK, discutant les dommages et intérêts que pourraient rapporter à la jeune femme les poursuites engagées contre l’ancien directeur du FMI. Son interlocuteur fait par ailleurs partie des personnes qui lui ont versé des sommes conséquentes sur son compte bancaire, 100.000 dollars en deux ans.

Le juge Michael Obus pourrait statuer ce vendredi 1er juillet après l’audience surprise prévue à 17h30 heure française sur un allègement des conditions de la liberté surveillée de DSK.

Et la carrière professionnelle de Cyrus Vance Jr pourrait en être plus ou moins affectée. La tentation d’un quitte ou double politique demeure alors qu’il jouera sa réélection en 2013. Il confiait à l’agence de presse Associated Press le 4 juin qu’il s’évertuait “à traiter les dossiers avec la même importance”, le bureau du procureur du district de Manhattan s’occupant de près de 110.000 cas par an. Après l’acquittement de deux policiers de New York accusés du viol d’une jeune femme, Cyrus Vance Jr est conscient que la similarité avec l’affaire DSK pourrait lui porter préjudice, bien qu’un de ses collaborateurs affirme que ce sont deux cas bien différents.

L’impact politique et médiatique d’un dossier judiciaire

Le système judiciaire américain prévoit en effet que les “district attorney” sont désignés par le suffrage universel. En raison de caractère électif de leur fonction, les “district attorney” sont estimés sensibles aux réactions de l’opinion publique. Elu en 2009  avec 91% des voix pour un mandat de quatre ans,  le caractère médiatique et symbolique de l’affaire DSK faisait figure d’aubaine pour le procureur chargé de démontrer la culpabilité de l’ancien directeur du Fonds monétaire international accusé d’agression sexuelle. Jouissant d’une liberté sous caution, Dominique Strauss-Kahn est inculpé pour sept chefs d’accusation dont tentative de viol, agression sexuelle, acte sexuel criminel, séquestration et attouchement forcés.

L’avocat Marc-Pierre Stehlin explique l’incidence de ces révélations sur la procédure judiciaire : “Compte tenu du fait que, dans ce dossier, cette jeune femme est le témoin-clé de l’accusation et que le dossier repose essentiellement sur son témoignage, cela peut en effet avoir d’importantes conséquences dans la mesure où la crédibilité de la plaignante peut être gravement remise en  cause”.

Un habitué discret des sphères du pouvoir

Fils d’un ancien secrétaire d’Etat de Jimmy Carter de 1977 à 1980, Cyrus Vance Jr est diplômé de la prestigieuse université de Yale (Connecticut) et de l’Ecole de droit de l’université de Georgetown (Washington).

En 1995, avec son bureau d’avocats à Seattle, celui que l’on surnomme “Cy” fait ses preuves en défendant 29.000 employées de Boeing réunies en “class action” contre leur employeur pour discrimination envers les femmes. Sa victoire au procès l’érige en défenseur de la cause des femmes. La carrière de Cyrus Vance a également été marquée par une affaire de violence conjugale qu’il avait instruit en 1986 : celle de la jeune Susana Jimenez, traquée et tuée par son ex-fiancé sur son lieu de travail.

Sur son site de campagne pour se porter candidat à la succession de Robert Morgenthau, avec lequel il avait travaillé dans les années 80 dans sa ville natale de New York, ce père de deux enfants explique sa motivation: “Chacun veut et mérite la même chose: un système judiciaire qui rende la justice et soit fondé sur l’équité”.

Cyrus Vance Jr se veut réaliste sur ses intentions, alors que l’affaire DSK est loin d’être conclue tant sur le plan judiciaire que politique : “Je pense que j’occupe le meilleur job juridique du pays. Et je prévois d’y rester longtemps, du moins aussi longtemps que les électeurs le voudront”.

SOURCE : Judith Chetrit – Le Nouvel Observateur

 

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Par F.L 1 Juil 2011 12:32