Saint-Martin – Jeudi 25 Juin 2015, trentenaire de la SEMSAMAR et Conseil Territorial

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 24 Juin 2015 23:05

Saint-Martin – Jeudi 25 Juin 2015, trentenaire de la SEMSAMAR et Conseil Territorial

Petit retour contextuel

C’est déjà presque un sujet éculé tant la population a coutume de se détourner des sphères de pouvoir dont elle est impuissante à infléchir les trajectoires : la personne morale SEMSAMAR a été mise en examen le 4 juin dernier en même temps que ses directeurs passé et actuel.

La Présidente du Conseil Territorial de Saint-Martin, actionnaire majoritaire avait dès lors prévenu par voie de communiqué : “ la mise en examen également de la Société d’économie mixte en tant que personne morale, m’oblige à examiner les conséquences de cette affaire pour la Collectivité en sa qualité d’actionnaire majoritaire. Au travers de la Société, les actionnaires étant susceptibles d’être mis en cause, je serai amenée à communiquer à nouveau sur la position de la Collectivité dans cette affaire.”

Même s’il n’y a pas eu d’autre communication, la position de la Présidente de la Collectivité est désormais connue et ce jeudi 25 juin, elle demandera en conséquence à ses pairs de l’autoriser à :

  • “se constituer partie civile au nom de la Collectivité de Saint-Martin dans les instances ouvertes à l’encontre de la SEMSAMAR, personne morale”
  • “désigner les conseils à l’effet de représenter et défendre les intérêts de la Collectivité de Saint-Martin à l’appui de sa plainte avec constitution de partie civile”

Tout d’abord, quelques définitions pour bien comprendre ce que l’on évoque ici, et aussi parce qu’il nous a été récemment et en haut lieu  reproché de ne pas suffisamment nous documenter…

  • Selon l’Insee, “En droit français, une personne morale est un groupement doté de la personnalité juridique. Généralement une personne morale se compose d’un groupe de personnes physiques réunies pour accomplir quelque chose en commun. Ce groupe peut aussi réunir des personnes physiques et des personnes morales. Il peut également n’être constitué que d’un seul élément. La personnalité juridique donne à la personne morale des droits et des devoirs.” et c’est en ce sens que la SEMSAMAR est une personne morale de droit public.
  • La mise en examen est, dans le cadre d’une affaire pénale, la décision d’un juge d’instruction de faire porter ses investigations sur une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants, qui rendent vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la réalisation d’un crime ou d’un délit. Il ne s’agit pas d’un jugement mais d’une décision d’un juge d’instruction dans le cadre de ses investigations. La mesure de mise en examen ne signifie donc pas que la personne qui en fait l’objet est reconnue coupable de l’infraction sur laquelle le juge enquête. La personne mise en examen peut demander l’annulation de sa mise en examen dans les six mois de sa première comparution. La loi du 5 mars 2007 donne la possibilité à cette personne, sous certaines conditions, de demander au juge d’instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté.

Qu’est ce qui justifie alors cette position de la Présidente Aline Hanson ?

Il est important de noter que l’argument principal, tel que souligné dans le rapport des services de la COM, pour motiver cette délibération et la constitution de partie civile de la COM contre la SEM tient à la possibilité d’avoir accès au dossier d’instruction. Cela nous laisse un peu dubitatifs… Cela aurait été justifié si seuls le directeur passé et la directrice actuelle avaient été mis en examen mais dès lors que la personne morale l’est aussi, alors le Conseil d’Administration et surtout son Président Wendel Cocks ont de fait accès au dossier.

D’aucuns affirment qu’il s’agit là de la fessée méritée par le Vice Président Cocks, tout de même Président de la SEM, pour avoir ignoré la volonté présidentielle de ne pas voir porter à l’ordre du jour du dernier C.A de la SEM le renouvellement de mandat de sa directrice. La Présidence peut effectivement, après les sénatoriales de septembre 2014, estimer que l’esprit frondeur de l’époque n’a plus de raison d’être et la directrice d’école entend peut être bien maintenir ses rangs en ordre jusqu’en 2017.

Au regard des résultats et des enjeux portés par le duo SEM / COM, cette théorie nous semble un peu courte et particulièrement réductrice,  même si elle satisfera les moins exigeants, surtout au regard de l’intérêt que porte Madame Hanson au territoire.

Cependant, imaginons que ces arguments ne suffisent pas et que l’objectif d’accès au dossier soit suffisamment motivé pour que les élus du Conseil territorial l’autorisent au travers d’une constitution en partie civile, quelle serait donc l’idée ? Existe-t-il des points précis dans ce dossier qui mériteraient que la COM s’agresse elle-même et mette ainsi en péril le développement d’un outil qui lui est pourtant indispensable ? Car si le rapport évoque les dommages que ces mises en examen font ou pourraient faire subir à la COM, quid des dommages, y compris en terme d’image, qu’une telle décision de son actionnaire majoritaire fera inévitablement subir à la SEM ?

Il nous reste à espérer que l’enjeu en vaille la chandelle si la délibération était votée… Mais quel est donc l’enjeu ? S’agit-il de collecter les informations qui ont conduit à la mise en examen de la directrice générale, puisque l’ancien directeur est actuellement relativement hors de portée, abrité de plus par les ors du Memorial Acte et que la COM doit avoir en sa possession les éléments  concernant le Conseil d’administration ? Si la réponse à cette question était positive, cela reviendrait à dire que la COM souhaite constituer un dossier contre la directrice sans vouloir attendre le verdict final de la justice, en faisant fi de la position de la CTC ou de l’audit mené à la demande du Président Cocks ! Nous voilà de plus en plus dubitatifs… avec le sentiment qu’un contre la montre se joue quelque part ou qu’une chronologie est posée.

On se souvient qu’en plus de son salaire exorbitant qui a déjà fait couler tant d’encre, le contrat de la directrice avait également suscité beaucoup d’émoi en ce qu’il recelait de clauses supposées abusives par certains et rendant quasi-impossible son licenciement sauf peut-être en cas de faute lourde. Est-ce donc là la quête de la COM, la faute lourde, celle qui permettrait de libérer le siège ? Il est vrai qu’à l’échelle de la COM, une mandature aussi longue, et avec des résultats, doit laisser perplexe… d’autant plus que si le renouvellement acté en mai dernier parvenait tout de même à prendre effet le 1er juillet prochain, Madame Romana pourrait tenir les rennes pour au moins 6 années supplémentaires (ce qui reste bien loin des 25 années de règne de son prédécesseur) sauf interruption par la justice. Il faut savoir ici que la durée de la mise en examen ne peut “excéder un délai raisonnable, évalué en fonction de la gravité des faits reprochés et de la peine encourue, ainsi que de la complexité des investigations”, de 2 ans maximum. Juin 2015-Juin 2017 donc… soit après les prochaines élections territoriales de Saint-Martin dont l’alternance semble être le résultat d’ores et déjà annoncé… Le risque est trop grand pour qui a une idée précise et persistante de ce qu’il voudrait / pourrait obtenir de la majorité actuellement en place, mais c’est un autre sujet…

Un vote d’une rare complexité sauf à se contenter d’un opportun quitus …

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, les questions qui occupent tous les esprits un peu conscients voire responsables ou au moins concernés, c’est de comprendre :

  • Pourquoi la COM de Saint-Martin ne peut-elle, ou ne veut-elle plus s’appuyer sur ses représentants au Conseil d’administration ?
  • Ceux-ci pourront-ils continuer à relayer au sein du CA les volontés d’une Collectivité qui les “met à pied” ? Et la SEMSAMAR elle-même ne risque-t-elle pas une relative paralysie lorsque son actionnaire majoritaire pèse à charge au niveau de la justice ?
  • Quelle est la réelle motivation et la portée de cette constitution de partie civile ?
  • Et comme déjà dit… quels seraient les effets d’une constitution en partie civile des autres actionnaires ?
  • L’ultime question pourrait être : Quelle avenir pour la COM sans un outil comme la SEMSAMAR (et filiales), sans la maîtrise de l’actionnariat et sans la prise de bénéfice induite (rappelons que ces bénéfices sont essentiellement captés sur d’autres territoires) ?

Sans réponse aux questions ci-avant, il sera bien compliqué pour les membres du Conseil territorial de voter en leur âme et conscience demain. Même si on a pu lire à plusieurs reprises ces derniers jours que la “majorité votera comme d’habitude d’une seule voix les délibérations qui lui sont proposées”, nous noterons que depuis septembre 2014 les délibérations proposées ne présentaient pas ce niveau d’importance, de risque. De plus, il est assez complexe d’accepter l’idée que tous ceux qui nous gouvernent ne sont que les fidèles éléments d’un groupe, d’autant que l’on sait pertinemment que ce groupe n’a plus la cohésion suffisante pour résister encore à un nouveau séisme. D’ailleurs, si l’opportunité lui en est donnée, le discours du Président Cocks demain au Conseil Territorial rappellera sans doute qu’il fait partie de la majorité, que la SEMSAMAR sous sa présidence souhaite un investissement plus lourd et plus adapté au territoire et que la responsabilité de chacun des élus présents est engagée à un niveau qui dépasse les querelles politiques.

La position du groupe UD de l’opposition sera naturellement fondamentale lors du vote et l’habituel  choix de l’abstentionnisme semble ici difficilement tenable, à condition d’avoir retrouvé l’unité et l’harmonie de ses débuts.

Notons que dans le cadre de la procédure de vote elle-même, nous n’avons pu déterminer avec certitude le droit qu’auront les administrateurs passés ou présents à participer à ce vote et cela fera sans doute en cas de retour positif de la délibération l’objet d’une attention particulière de la Préfecture dans le cadre de l’exercice du contrôle de la légalité.

Enfin, et sur un dossier qui présente quelques similitudes sans pouvoir pour autant être considéré identique, il existe une jurisprudence récente en ce que la Cour de Cassation a purement et simplement annulé la constitution de partie civile d’une commune à l’encontre d’une SEM dans laquelle elle était actionnaire.

Quoiqu’il en soit, au delà des méandres et mystères légalo-administratifs, des influences et positions des conseils actuels ou en devenir, nous préférons continuer à croire que le territoire, l’intérêt général, la volonté de construire restent les valeurs fondatrices qui animent la gestion de la cité surtout lorsque l’on dispose d’un outil comme la SEMSAMAR et ses filiales qui tant par sa présidence que par sa direction souhaite rompre avec un passé certes efficace mais révolu aujourd’hui ….

Dubitatifs, oui… mais rêveurs aussi…

La complexité de la décision est encore accrue par le fait qu’il ne semble, du côté de la COM, y avoir aucune alternative, aucune autre option proposée au Conseil. Pourtant, malgré la lourdeur des deux machines (COM et SEM), l’enchevêtrement des enjeux et des intérêts, les interdépendances entres les hommes, les fonctions, les ambitions, n’aurait-il pas été plus cohérent de commencer par une rencontre entre la Présidence, la Direction de la SEM et la Présidence de la COM a minima, voire une explication au Conseil, au moins exécutif ?

Place aux élus…

Encore une fois, vu de loin, la SEMSAMAR apparaît plus que jamais disposée à être le bras armé des politiques de la collectivité, son implication sur le territoire dépasse largement le cadre des logements sociaux et ses statuts lui permettraient aussi d’assumer certaines compétences à ce jour peu mises en valeur et pourtant porteuses de formations et d’emplois : l’assainissement, la gestion d’infrastructure portuaire au travers de la SAMAGEST et bien d’autres encore… C’est dire si le Conseil Territorial de demain concerne la SEMSAMAR bien au delà du point numéro 9, puisque le PLU dictera une part de ses capacités de développement, puisque les intentions portées par la délibération relative à l’aménagement de la baie de Marigot viendront impacter sa filiale et que la redynamisation de Marigot ne saurait lui être complètement étrangère dans l’implication.

Ainsi, bien que présenté comme une simple formalité, le point 9 de l’ordre du jour du Conseil territorial de demain revêt une importance qui dépasse, et de loin l’espace politique et ses luttes de pouvoirs. Il semblerait même, en nous décalant un peu, qu’il dépasse même nos frontières géographiques et institutionnelles. Et il n’est pas le seul point épineux à l’ordre du jour d’une réunion qui s’annonce longue et ardue.

Lâchons donc ici la plume car nous entendons déjà les commentaires de ceux qui sont allergiques aux longs papiers et analyses tordues et laissons l’espace disponible à nos élus pour que demain, à leur façon, ils célèbrent l’anniversaire de leur SEMSAMAR

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 24 Juin 2015 23:05