Saint-Martin : Annulation de la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre du Vice-Procureur Flavien Noailles

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 30 Mar 2015 20:00

Saint-Martin :  Annulation de la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre du Vice-Procureur Flavien Noailles

300315-NoaillesLe Conseil d’Etat examinait début mars le recours du Vice-Procureur détaché à Saint-Martin/Saint-Barthélémy du TGI de Basse Terre, Monsieur Flavien Noailles.

Par ce recours, Flavien Noailles sollicitait l’annulation de la décision du 11 octobre 2013 par laquelle le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre avait prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d’avertissement.

Le Conseil d’Etat a fait droit au recours du vice-procureur Noailles, sommant ainsi le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre de supprimer cette sanction portée au dossier de Flavien Noailles dans un délais d’un mois.


REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu 1°, sous le n° 373263, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 2013 et 12 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. A…B…, demeurant …; M. B…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 11 octobre 2013 par laquelle le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a prononcé un avertissement à son encontre ;

2°) d’enjoindre au procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre de procéder à la suppression de la mention de l’avertissement figurant dans son dossier dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision du Conseil d’Etat ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 373311, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2013 et 12 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. A…B…, demeurant …; M. B…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 octobre 2013 par laquelle le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a prononcé un avertissement à son encontre;

2°) d’enjoindre au procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre de procéder à la suppression de la mention de l’avertissement figurant dans son dossier dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision du Conseil d’Etat ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 mars 2015, présentée par M.B… ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu l’ordonnance organique n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B…;

1. Considérant que les requêtes nos 373263 et 373311 sont dirigées contre la décision du 11 octobre 2013 par laquelle le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a prononcé un avertissement à l’encontre de M.B…, magistrat, vice-procureur au tribunal de grande instance de Basse-Terre ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : ” Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. / Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive (…) ” ; qu’aux termes de son article 44 : ” En dehors de toute action disciplinaire, l’inspecteur général des services judiciaires, les premiers présidents, les procureurs généraux et les directeurs ou chefs de service à l’administration centrale ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité. / L’avertissement est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n’est intervenu pendant cette période ” ;

3. Considérant que pour infliger un avertissement à M.B…, le procureur général près la cour d’appel de Basse Terre s’est fondé, d’une part, sur ce que l’intéressé avait manqué à la loyauté, en ne communiquant pas, en méconnaissance du principe du contradictoire, aux conseils de deux huissiers de justice poursuivis devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre, avant l’audience du 19 juillet 2013, la nouvelle plainte déposée le 18 juillet 2013 à l’encontre de ceux-ci, qu’il a versée aux débats, et pour n’avoir informé le parquet général ni de l’existence de cette plainte, ni des suites qu’il avait décidé de lui donner ; que le procureur général s’est fondé, d’autre part, sur ce que l’intéressé avait manqué à la délicatesse en ayant présenté au service chargé du remboursement des frais de déplacement de fausses factures d’hébergement, d’un montant de un euro, afin de manifester son opposition aux modalités de remboursement des frais de déplacement ;

4. Considérant, en premier lieu, que le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a indiqué, dans la décision attaquée, que le défaut de communication aux avocats des prévenus de la plainte reçue par M. B…portait atteinte à l’obligation de loyauté procédurale en dépit de l’ajout de cette plainte au dossier examiné à l’audience du 19 juillet 2013, dès lors que les avocats n’étaient pas tenus de consulter le jour de l’audience le dossier dont ils avaient été destinataires plusieurs jours avant celle-ci ; que, par ailleurs, le procureur général a estimé que la gravité particulière des faits dénoncés dans la plainte du 18 juillet 2013 exigeait qu’il soit tenu immédiatement informé de la teneur de cette plainte ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les avocats des prévenus ont été en mesure de discuter à l’audience de cette plainte, qui leur a été soumise par le ministère public, et de faire usage des moyens de procédure propres à assurer la défense de leur client ; qu’eu égard à la nature de la plainte et aux conditions dans lesquelles M. B…en a pris connaissance, la circonstance que ce dernier n’en ait pas averti immédiatement sa hiérarchie ne saurait à elle seule, être constitutive d’une déloyauté à l’égard du procureur général ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a relevé, à propos de la même affaire, l’absence d’information et de consultation en temps utile du parquet général sur l’engagement d’une enquête préliminaire confiée à la gendarmerie par l’intéressé, en vue de solliciter l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre des deux huissiers de justice mentionnés au point 3, et sur les résultats de ces investigations, il ressort des pièces du dossier qu’à la date à laquelle l’enquête préliminaire a été engagée, M. B…n’assurait plus l’intérim des fonctions de procureur de la République de Basse-Terre et relevait de l’autorité hiérarchique de celui-ci et non directement du procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre ; qu’il a rendu compte de son action au procureur de la République assurant l’intérim ; que, dès lors, la décision attaquée est fondée, sur ce point, sur des faits matériellement inexacts ;

6. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre aurait pris la même décision s’il s’était fondé seulement sur l’autre motif retenu par lui, constitutif d’un manquement à la délicatesse ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’en prenant la mesure attaquée, le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. B…est fondé à demander l’annulation de la décision qu’il attaque ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Considérant que l’annulation de la décision par laquelle le procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre a infligé un avertissement à M. B…implique nécessairement la suppression de la décision dont l’illégalité a été constatée ; qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’ordonner la suppression de la mention de l’avertissement figurant dans son dossier dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros à M. B…;

D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 11 octobre 2013 du procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre de supprimer la mention de l’avertissement figurant dans le dossier de M. B…dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à M. B…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A…B…et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

(Source Conseil d’Etat)

Igor Rembotte
Par Igor Rembotte 30 Mar 2015 20:00